Page:Sand - La Daniella 1.djvu/249

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boue où je l’avais décidé à se coucher, il se souvint de l’aventure.

La journée du vendredi saint s’annonçant pluvieuse et sombre ; je me permis de dormir la grasse matinée. La Mariuccia, s’impatientant contre ma paresse, entra dans ma chambre, et, quand je m’éveillai, je la vis, méditant sur ma chaussure crottée et sur mon caban encore humide.

— Eh bien ! Mariuccia, qu’y a-t-il ? lui dis-je en me frottant les yeux.

— Il y a que vous êtes sorti cette nuit ! répondit-elle d’un air de consternation si comique, que je ne pus m’empêcher d’en rire. — Oui, oui, riez ! reprit-elle : vous avez fait là une belle affaire !

Et, comme j’essayais de nier, elle me montra les jonquilles flétries, que j’avais mises sur la cheminée.

— Eh bien ! après ? que voulez-vous ?

— Que ces fleurs-là étaient sur le grillage de la sainte madone, et que vous avez été, cette nuit, les retirer, pour empêcher ma nièce de tenir son vœu. Voilà les amoureux ! Mais, malheureux enfant, vous avez fait là un péché mortel ; vous avez outragé la sainte madone ; vous avez éteint la lampe, et, ce qu’il y a de pis, c’est que vous avez été vu.

— Par qui ?

— Par mon neveu Masolino, le frère de la Daniella, le plus méchant homme qu’il y ait à Frascati. Heureusement, il avait bu, selon sa coutume, et il ne vous a pas reconnu ; mais il a déjà fait son rapport, et je suis sûre que les soupçons pèseront sur vous, parce que vous êtes le seul étranger qu’il y ait maintenant dans le pays. On enverra des espions ici pour me questionner. Donnez-moi ce caban que je le cache, et brûlez-moi bien vite ces maudites fleurs.