Page:Sand - La Daniella 1.djvu/261

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pressement qui devança celui de Brumières :

— Oui, je l’ai revue plusieurs fois, et ce matin encore.

— Pourquoi dites-vous cela d’un ton de triomphe ? répliqua-t-elle avec un regard d’insolence foudroyant. Nous savions bien pourquoi vous aviez choisi Frascali pour votre séjour. Mais il n’y a pas tant de quoi vous vanter ! Vous succédez à Tartaglia et à beaucoup d’autres du même genre.

Je répondis, avec aigreur, que, si cela était, je trouvais étrange de l’apprendre de la bouche pudique d’une jeune Anglaise ; et la querelle fût devenue encore plus amère sans l’arrivée du cousin Richard, qui, s’approchant de nous, changea forcément le cours de nos paroles. Medora trouva pourtant moyen d’essayer, à mots couverts, de me mortifier encore ; mais j’avais repris assez d’empire sur moi-même pour faire semblant de ne plus comprendre.

Je passai la journée du lendemain à visiter les églises et à regarder l’aspect de la population. Toutes mes impressions se trouvèrent résumées, le jour suivant, à la grande cérémonie du dimanche de Pâques. Je vous parlerai de ce que j’ai vu et de ce que j’ai pensé de tout cela. Maintenant, je ne veux pas, je ne peux pas interrompre mon récit.

— Écoutez, me dit lord B*** en revenant à pied de Saint-Pierre par le pont Saint-Ange, j’ai entendu, avant-hier au soir, des mots aigres échangés, à propos de la petite Daniella, entre ma nièce et vous. Je vois que vous avez furieusement blessé l’amour-propre de cette reine de beauté en ayant des yeux pour la gentillesse de sa suivante : c’était votre droit ; mais, cependant, prenez garde aux conséquences d’une amourette, dans un pays où les étrangers sont regardés comme une proie, et où, d’ailleurs, tout est sujet de spéculation. Cette jeune fille est bonne et charmante ; je la crois honnête, mais non pas désintéressée ; sincère, mais non pas chaste… Je crois qu’elle a eu beaucoup d’amants, bien que