Page:Sand - La Daniella 1.djvu/272

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comment et pourquoi ce moine serait-il intervenu dans une histoire d’amour ?

Averti pourtant comme je l’avais été par Brumières et par lord B*** que, dans ce pays-ci, il faut s’attendre aux choses les plus surprenantes, je crus devoir ne pas m’obstiner à secouer la cloche de Piccolomini, et je m’enfonçai, à mon tour, dans la via Falconieri, sans dessein d’y suivre les traces du moine, mais de manière à dérouter les espions, si espions il y avait, en me perdant dans l’obscurité.

Quand j’eus atteint un endroit complètement ombragé par les grands arbres des deux parcs limitrophes, je me hasardai à frotter une allumette comme pour allumer mon cigare, mais, en effet, pour constater que j’étais bien seul, et pour regarder le talisman du moine. Ce ne peut être qu’un talisman, en effet, mais à quelle religion il peut appartenir, voilà ce qu’il m’est impossible de présumer. Les jours percés dans le métal n’ont aucune signification que je sois capable de traduire. Après les avoir bien examinés, je mis, à tout événement, l’amulette dans ma poche, et, poursuivant mon chemin, je pénétrai dans l’enclos de Piccolomini par un des talus qui bordent le plant d’oliviers, au delà de la petite porte qui fait face à la grille de la villa Falconieri. La nuit était chaude et sombre, et de Frascati partaient mille bruits joyeux qui étaient une nouveauté pour mon oreille. Pendant le carême, et pendant la semaine sainte surtout, sauf la voix des cloches et des horloges, c’est un silence de mort. Quiconque ferait entendre le son d’un instrument ou d’une chanson indiquant la pensée de boire ou de danser, risquerait de cadere in pena, c’est-à-dire de subir l’amende ou la prison. Aussi, dès le jour de Pâques, tout ressuscite, tout chante, tout crie, tout danse dans les États du pape. Les cabarets sont rouverts, les lumières brillent, tout hangar devient salle de bal, et on s’étonne de voir ce pauvre