Page:Sand - La Daniella 1.djvu/284

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ment de surprises, un rêve de Piranèse ; mais d’abord il faut que je vous fasse succinctement l’historique de la villa Mondragone, pour que vous compreniez quelque chose à ce mélange d’abandon misérable et de luxe princier où je cherche un gîte.

Ce palais fut bâti par Grégoire XIII, au XVIe siècle. On y entre par un vaste corps de logis, sorte de caserne destinée à la suite armée du pontifs. Lorsque, plus tard, le pape Paul V en fit une simple villégiature, il relia un des côtés de ce corps de garde au palais par une longue galerie de plain-pied avec la cour intérieure, dont les arcades élégantes s’ouvrent, au couchant, sur un escarpement assez considérable, et laissent aujourd’hui passer le vent et la pluie. Les voûtes suintent, la fresque est devenue une croûte de stalactites bigarrées ; des ronces et des orties poussent dans le pavé disjoint ; les deux étages superposés au-dessus de cette galerie s’écroulent tranquillement. Il n’y a plus de toiture ; les entablements du dernier étage se penchent et s’affaissent aux risques et périls des passants, quand passant il y a, autour de cette thébaïde.

Cependant, la villa Mondragone, restée dans la famille Borghèse, à laquelle appartenait Paul V, était encore une demeure splendide, il y a une cinquantaine d’années, et elle revêt aujourd’hui un caractère de désolation riante, tout à fait particulier à ces ruines prématurées. C’est durant nos guerres d’Italie, au commencement du siècle, que les Autrichiens l’ont ravagée, bombardée et pillée. Il en est résulté ce qui arrive toujours en ce pays-ci après une secousse politique : le dégoût et l’abandon. Pourtant la majeure partie du corps de logis principal, la parte média, est assez saine pour qu’en supprimant les dépendances inutiles, on puisse encore trouver de quoi restaurer une délicieuse villégiature. C’est le parti que voulait prendre et que prendra peut-être la princesse