Page:Sand - La Daniella 1.djvu/297

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nous l’avons savourée, est au-dessus de tous les calculs, puisqu’elle vient de Dieu.

— Elle vient de Dieu, c’est vrai ! L’amour est comme le soleil, qui luit pour les coupables aussi beau que pour les justes. Je ne peux donc pas rougir de t’aimer, ni m’en repentir en aucune façon. Seulement, je compte avec mon juge, et je sais qu’il me fera expier mon ivresse. J’attends donc quelque grand châtiment en cette vie ou en l’autre, et, puisque je l’accepte d’avance, nous sommes quittes, lui et moi ! — C’est-à-dire, ajouta-t-elle après m’avoir embrassé avec ardeur, nous sommes quittes, si c’est moi seule qui ai à souffrir en ce monde ou en l’antre, car, si c’était toi, si tu devais être puni à ma place…, je me révolterais, je maudirais le ciel, qui m’aurait envoyé une punition cent fois plus grande que mon péché. Voilà pourquoi je viens te trouver et te dire qu’il faut de la prudence, car c’est toi qu’on menace en ce moment à à cause de moi.

— Qui me menace ?

— La police pontificale a été saisie d’une plainte contre toi, déposée par mon frère, à propos de ces maudites fleurs que tu as ôtées du grillage de la madone. En éteignant la petite lampe, il paraît que tu as fait tomber d’abord le grillage, et puis de l’huile sur la fresque ; et ensuite mon frère, frappé et jeté à terre par toi, ivre comme il l’était, a promené, en se relevant et en tâtant la muraille, ses mains remplies de fange sur la sainte image. Voilà comment je peux expliquer les taches et les souillures qu’elle portait le lendemain de cette aventure ; car, quelque méchant homme que soit Masolino, je ne veux pas l’accuser d’avoir fait, exprès une profanation aussi abominable. Il t’en accuse, lui, et il prétend t’avoir surpris occupé à cette scélératesse. Il ne sait certainement pas quelle personne il a vue ; mais, ayant entendu dire que tu es entré une fois dans la maison que