Page:Sand - La Daniella 1.djvu/299

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à m’en aller criant par les rues : « Rendez-moi celui que j’aime et à qui j’appartiens sans condition ! » Tout le monde dirait : « Elle est folle et mon frère me tuerait. Peu importe ! Voilà ce qui arrivera si tu t’exposes à être pris.

Je combattis en vain les appréhensions probablement chimériques et les résolutions extrêmes de cette chère fille. Elle était si désolée et si agitée, que je dus céder à ses prières et lui promettre de passer la nuit à Mondragone.

— Puisque c’est un si grand tourment pour toi, lui dis-je, de me voir retourner à Piccolomini, je me soumets, dussé-je périr ici de froid et de faim.

— Il n’en sera pas ainsi, me dit-elle : j’ai songé à tout. Puisque tu promets de m’obéir, viens avec moi.

Elle me conduisit, par un dédale d’escaliers et de couloirs dont elle avait les clefs, au casino dont je vous parlais hier, et me fit entrer dans un petit appartement, peint d’une vieille fresque assez galante et meublé d’un grabat, de quelques chaises boiteuses et de deux ou trois cruches égueulées.

— Ceci est misérable, me dit-elle ; c’est là que couchait le gardien, quand il y avait des ouvriers travaillant aux réparations ; mais, avec de l’eau saine et de la paille fraîche, on est bien partout, parce qu’on peut y être proprement. Prends patience ici pendant deux heures, et, dès qu’il fera nuit, je t’apporterai de quoi te réchauffer et de quoi dîner.

— Tu reviendras donc ce soir ?…

— Certainement, et je n’aurais pas pu retourner à Piccolomini, qui doit être surveillé par mon frère en personne.

— Oh ! alors ! que ne le disais-tu tout de suite ! Tâche que mon danger et ma captivité ne finissent pas de sitôt ; car voilà mon rêve réalisé ! J’aime tant la sécurité et le mystère de ces ruines, que je me creusais la tête pour trouver le moyen d’y transporter nos rendez-vous. Tu vois que