Page:Sand - La Daniella 1.djvu/344

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Eh bien ! cela ne sera pas nécessaire, pensai-je ; la chose impossible pour moi, c’est d’ignorer dans quelle situation est Daniella. À tout risque, j’irai à Taverna dès que la nuit sera sombre. Je viendrai à bout de la voir ; je lui laisserai tout ce que je possède, à l’exception de ce qu’il me faut pour fuir, et je fuirai. J’irai l’attendre hors des États de l’Église, pour l’épouser et l’emmener en France.

Je commençai donc par m’assurer de la solidité de ma canne à tête de plomb, car j’étais résolu à me défendre en cas de surprise. Je mis mon argent sur moi, dans une ceinture ad hoc. Je fis un petit paquet du linge le plus strictement nécessaire, et de l’album qui contient ce récit. Je pris en guise de passeport, au besoin, divers papiers pouvant constater mon identité auprès des autorités françaises. Je m’enveloppai de mon caban qui est presque à l’épreuve de la balle, et, résolu à braver toutes choses, je me dirigeai vers la porte de mon appartement qui communique avec l’intérieur du palais.

Mais au moment où je posais la main sur la serrure, on frappait à cette porte. Je m’arrêtai indécis.

— Si l’on vient me prendre, pensai-je, je sais le moyen de fuir, au moins de cette chambre.

Et je me hâtai de sortir par l’autre porte et d’attacher à un balustre de la petite terrasse, la corde à nœuds que j’ai faite avec celle qui liait ma malle, et qui peut, avec quelques chances de succès, me faire descendre jusqu’au terrazzone. Je me hâtais, pensant que l’on allait enfoncer la porte ; mais on se contentait de frapper doucement et discrètement. J’entendis même, en revenant au seuil de ma chambre, la voix piteuse de Tartaglia qui me disait :

— Eh ! mossiou ! c’est votre dîner qui va se refroidir. Ne vous méfiez donc pas de moi !

Ce pouvait être un piège, mais la crainte du ridicule l’emporta sur ma prudence. Si Tartaglia ne me trahissait pas, mes précautions étaient absurdes ; s’il venait avec des es-