Page:Sand - La Daniella 1.djvu/351

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savoir s’il a la notion de Dieu à quelque degré que ce soit. Il parle chapelle, reliques, cierges, offices et chapelet ; mais je ne crois pas qu’au-dessus du matériel du culte, il ait une idée, un sentiment religieux quelconques.

Quant à la société religieuse et politique de son pays, ce sont lettres closes pour lui. Il confond dans la même soumission béate et souriante tout ce qu’il peut avoir de respect et de foi pour le pape de 1848 et pour le pape d’aujourd’hui ; et non seulement il approuve et bénit le pape passant d’un système au système opposé, mais encore il admire et bénit, parmi les princes de l’Église, les plus ardents ennemis de tout système émanant du pape. Pourvu qu’on soit cardinal, évêque ou seulement abbate, on est un personnage nimbé, qui l’éblouit et le subjugue. Bref, on ne peut rien tirer de lui, et Dieu sait bien que je ne voulais en tirer autre chose que des renseignements à mon usage sur ma situation personnelle ; mais cela même fut impossible : tout aboutissait à cet éternel Chi lo  ? qui est arrivé à me porter sur les nerfs. Mes questions l’effrayaient ; il ne les comprenait même pas. Il ne savait pas si le cardinal avait agi réellement ; il ne savait pas si mon affaire était poursuivie au civil ou au religieux, si j’avais affaire au giudice processante, juge d’instruction du pays, ou à l’inquisiteur de droit, président du tribunal ecclésiastique, ou enfin au saint-office proprement dit ; car ces trois juridictions fonctionnent tour à tour et peut-être simultanément dans les poursuites politiques, civiles et religieuses. Or, dans ce pays-ci, l’accusation portée contre moi peut être envisagée sous ces trois faces.

Quand je vis que mes questions étaient superflues, j’engageai Tartaglia à reconduire le capucin à son couvent ; mais celui-ci, pris de terreur, refusa de sortir avant deux heures du matin.

— À l’heure qu’il est, dit-il (il était dix heures), mon