Page:Sand - La Daniella 1.djvu/63

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oublier l’informe esquisse que je viens de mettre sous vos yeux.

Quand, à huit heures du soir, je suis remonté, affamé et harassé, sur le Castor, j’ai trouvé le pont tellement encombré de beau monde, qu’on eût dit d’une fête. Ce bruit et cette foule venaient d’un notable surcroît de passagers à bord ; des Anglais, toujours des Anglais, et puis quelques Français et quelques indigènes, ces derniers ayant amené là toute leur famille et tous leurs amis, qui, en manière d’adieux, causaient gaiement avec eux, en attendant le moment de lever l’ancre.

Au milieu de cette bagarre, que rendaient plus étourdissante les chanteurs et guitaristes ambulants postés dans des barques autour du Castor, et tendant leurs casquettes aux passagers, j’eus le temps de remarquer, encore une fois, que le Génois était expansif, babillard, enjoué, commère et avenant. Cela était, du moins, écrit sur toutes les figures et dans toutes les intonations de ceux qui parlaient le patois. Les prêtres surtout me parurent gais et sémillants, ressemblant fort peu, dans leurs allures, à ceux de France. On voit qu’ils sont mêlés plus que les nôtres à la société locale et à ses préoccupations temporelles. Pourtant, l’opinion générale est ici en grande réaction contre eux, à ce que l’on m’a dit.

Enfin, le son de la cloche nous délivra de tous les visiteurs qui s’envolèrent sur leurs barques, envoyant de gais adieux et de bons souhaits à l’équipage, et, quand l’ordre eut un peu agrandi l’espace, je pus chercher et retrouver mon ami Brumières, tandis que le steamer se remettait en marche.

— J’ai passé une sotte journée, me dit-il ; ma princesse à dormi tout le temps dans sa cabine, d’où elle est enfin sortie, parfumée et coiffée à ravir, il n’y a pas plus d’une