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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/14

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Il y avait, d’ailleurs, dans la tranquillité de sa lecture, quelque chose qui me rassurait sur ses projets immédiats : il n’avait nullement l’air et l’attitude d’un homme qui se dispose à un coup de main. Tout à coup, il fut pris d’un fou rire qu’il contint pendant quelques instants en se tenant le ventre, et qui finit par éclater. C’était un motif suffisant pour m’éveiller ostensiblement. Je me soulevai sur mon lit et le regardai en face. Le rire se figea sur sa figure burlesque. Ce fut une scène muette comme dans les pantomimes italiennes.

Son premier mouvement avait été de cacher l’album ; mais, voyant qu’il était trop tard, il prit bravement son parti.

— Mon Dieu, mossiou, s’écria-t-il, que c’est donc joli et amusant de se voir raconté comme ça jour par jour et mot pour mot ! Je vous demande bien pardon si j’ai été indiscret ; mais j’aime tant les arts, qu’en voyant là votre album, je n’ai pas pu résister à l’envie de l’ouvrir ; je croyais y trouver des dessins, des vases du pays, et pas du tout, le nom de Tartaglia m’est sauté aux yeux. Ça m’est égal, mossiou, d’être là dedans trait pour trait ; Tartaglia n’est pas mon vrai nom, pas plus que Benvenuto, et ça ne peut pas me compromettre. Et puis vous avez tant d’esprit et vous dites si bien les choses, que je suis content de me les rappeler comme ça en détail, telles qu’elles se sont passées. Oui, voilà notre promenade de nuit sur les chevaux de la Medora, et toutes mes paroles, comme je vous les disais, sur les brigands, sur l’illumination de Saint-Pierre et sur la manière habile dont je vous ai forcé à vous servir de ces chevaux dérobés par moi pour la circonstance. Avouez, mossiou, que vous avez beau vous méfier de moi, vous êtes content de reconnaître que je ne suis pas un engourdi ni un imbécile ?

— Comme tu es charmé de mon opinion sur ton compte,