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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/146

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tout ce que j’exècre ! Je le pris en horreur, et, sautant sur le sable, je déclarai que j’avais réfléchi et changé d’idée ; que je ne voulais plus me marier ni m’enfuir, mais retourner sur l’heure chez ma tante Harriet.

Mon pauvre prince parla de se brûler la cervelle ; le docteur se chargea de l’en empêcher dans le cas où il en aurait réellement envie, et, comme ledit docteur était fort piqué de mes dédains pour lui, il voulut démontrera son ami que j’étais une tête folle et un démon. Le pauvre prince prenait mon parti et s’accusait, la discussion menaçait de se prolonger, mais le jour grandissait. Les gardes-côtes paraissaient au loin. Le patron de l’affreuse petite chaloupe, où je n’eusse pas voulu embarquer seulement un de mes souliers, s’impatientait et menaçait de prendre le large sans passagers. Je coupai court à la situation en m’élançant sur Otello, que le groom avait amené sur nos traces, et en disant des choses désagréables à mes vieux Lindors pour les dégoûter de me retenir. Puis, je saisis un moment où le prince, surpris par une quinte de toux, ne pouvait plus se pendre à la bride d’Otello, pour faire un temps de galop comme je n’en ai fait de ma vie. Le prince eut la générosité de vouloir me laisser un de ses domestiques pour me ramener à Rome ; mais tous étaient compromis, sauf le groom, qui consentit à suivre ma destinée. Je le vis courir après moi, mais je ne me laissai rejoindre par lui que lorsque j’eus vu, de mes propres yeux, la chaloupe en mer et la grève déserte.

Alors j’ai été prendre du repos à Albano ; et, comme aucun mandat d’arrêt ne menace ma liberté, mais que j’aime autant ne pas afficher mes sottes velléités de mariage et le risible dénouement de mon aventure romanesque, je suis partie d’Albano, ce matin avant le jour, pour aller, comme je vous l’ai dit, à Rocca-di-Papa, où je suis