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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/151

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roulait à mes pieds, elle couvrait mes mains de baisers, et je ne pus la consoler et la tranquilliser qu’après une réaction nerveuse où je crus que ma poitrine et mon cerveau allaient se briser dans les sanglots.

Quand je pus lui raconter tout ce qui s’était passé à propos de Medora, je la vis prête à retomber dans sa crise. Elle ne me pardonnait pas de lui avoir caché le nom de la dame voilée, et ses réflexions me prouvaient à moi-même qu’en effet, aux yeux d’une femme jalouse, les apparences étaient contre moi. J’avais vu Medora à Mondragone, et je pouvais être devenu jaloux de la bonne fortune du prince. Je l’avais escortée dans cette fuite qui m’avait exposé ensuite à de graves périls, et cela pouvait être l’effet d’une passion qui ne recule devant rien. J’avais parlé avec elle, cette nuit-là, et je l’avais peut-être décidée, par mes prières, à quitter son sigisbée. J’avais peut-être concerté, avec elle le rendez-vous que Daniella venait de surprendre. De plus, Daniella m’avait aperçu, de loin, agenouillé devant elle pour chercher l’épingle. Elle pouvait avoir dérangé une déclaration, comme dans les pièces de théâtre, où la pantomime classique de plier un genou exprime tout au plus, aux yeux du spectateur, les circonstances atténuantes d’une criminal conversation.

En dépit de la sincérité de ma justification, il restait d’ailleurs un point mystérieux que ma pauvre Daniella s’efforçait de me faire avouer et que l’honneur me prescrivait de taire. L’amour que Medora se figure avoir eu pour moi, et qu’elle n’avait pas craint de me rappeler avec un air de détachement superbe ; la scène de Tivoli et les paroles qui, depuis, dans sa bouche, avaient eu rapport à celle folle circonstance, c’était là un secret que, même vis-à-vis de la maîtresse la plus chère, je devais ne jamais trahir, sous peine d’être un fat et un lâche à mes propres yeux. Il me