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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/169

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dans le trou où je les avais cachés. Il fait tout à fait chaud, et le soin d’entretenir le feu ne complique plus l’embarras de notre existence. Je ne regrette pas les savantes ressources culinaires de Tartaglia, ni la société de Fra Cipriano. La chèvre nous a été ramenée par Olivia, et nos lapins courent de plus belle dans les grandes herbes de la cour. Je n’ai pas pu décider Daniella à me laisser perdre l’habitude du café ; mais je lui ai persuadé que je l’aimais mieux fait à froid, et que je détestais les ragoûts. Nous vivons donc de quelques viandes froides, de salade, d’œufs et de laitage. Elle s’occupe de moi, à côté de moi, toute la journée, et voilà trois jours que je vous griffonne mon récit à la veillée, lisant, à mesure, à ma chère compagne, tout ce qui peut l’intéresser dans cette relation de notre humble épopée.

Je suis bien plus heureux, depuis ces trois jours, que je ne l’ai encore été. Daniella ne me quitte plus ! On la croit partie avec moi, et s’il me devient possible de prolonger ostensiblement mon séjour en ce pays-ci, je voudrais ne sortir de ma cachette que pour conduire ma fiancée à l’autel. Je voudrais avoir l’agrément de mon oncle, et des papiers qui me missent à même de contracter, en présence des représentants de la légalité française, un engagement inviolable. J’ai donc écrit à l’abbé Valreg, et j’ai envoyé ma lettre à lord B*** pour qu’il la fit partir. Je m’attends bien à des questions, à des représentations, à des lenteurs de la part de mon digne oncle ; mais ma résolution est inébranlable. Daniella a assez souffert pour moi, et, bien que mon serment devant Dieu seul lui suffise, je ne veux pas qu’autour d’elle on puisse douter de l’éternel dévouement dont je la juge et dont je la sais digne.

Je vous ai envoyé aussi une lettre plus abrégée que ce volume, mais résumant les mêmes faits. La connaissance que vous en prendrez vous mettra à même d’agir auprès de mon