Aller au contenu

Page:Sand - La Daniella 2.djvu/180

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

toisant Daniella, qui restait debout, elle assise, et plus nonchalamment étendue que si elle eût été la malade.

Lord B*** comprit la situation. Il avança un fauteuil auprès de sa femme, et y conduisit Daniella, qui hésita à s’y asseoir. Elle était partagée entre le désir de braver sa rivale et le respect qu’elle était habituée à témoigner à lady B***.

— Oui, oui, assieds-toi, dit celle-ci avec une bonhomie dont elle ne sentit pas la cruauté : cela me fatiguera moins pour te parler.

— Et vous ne devez pas parler beaucoup, chère tante, dit Medora en se levant, comme si un ressort d’opposition eût existé entre elle et Daniella. Tous savez que, quand vous vous agitez, vous avez un peu mal aux nerfs le soir.

Elle sortit avec Brumières qui a trouvé moyen de s’installer à Piccolomini dans mon ancienne chambre, et de faire l’utile et l’empressé autour de la famille. Lord B*** m’emmena dans le jardin pendant que sa nièce remontait le stradone avec son nouveau cavalier servant.

— Ma femme, dit-il, veut confesser Daniella. Elle admet l’idée de votre mariage sans trop d’étonnement ni de révolte. Il n’en eût pas été ainsi sans cette terrible fièvre qui l’exaspère durant la nuit, mais qui la laisse épuisée, adoucie et comme sfogata durant le jour. Son caractère et ses opinions redeviennent alors ce qu’ils étaient autrefois… quand elle m’aimait ! Elle comprend que l’on se marie par amour, et elle s’intéresse à ceux qui recommencent son histoire. Une seule chose l’inquiète pour vous ? elle sait, elle affirme que Daniella est une fille fière et froide ; mais elle craint qu’elle n’ait eu pour moi une faiblesse, la seule faiblesse de sa vie. Je l’ai fait rire ce matin, en lui disant qu’avec ma figure et mon âge, il faudrait appeler cela une force, c’est-à-dire une fièvre d’ambition ou de curiosité de la part d’une