Aller au contenu

Page:Sand - La Daniella 2.djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

église, si, comme je le pense, la chose vous blesse. Lady Harriet ne comprend pas assez la fierté des pauvres. Elle croit que les riches ont toujours le droit de payer. Voici l’heure où il ne faut rien discuter avec elle. Allez donc voir, je vous en prie, si le docteur M*** est arrivé de Rome. Il vient tous les jours à cette heure-ci.

Le médecin arrivait au moment même et voulut voir la malade. Mais elle était couchée, et, soit pudeur anglaise, soit coquetterie, elle refusa de le recevoir. Elle ne se sentait ni ne se croyait assez malade pour justifier l’inconvenance qu’on lui proposait. Comme, avant tout, il ne fallait pas la contrarier, le docteur s’installa avec nous dans le salon attenant à la chambre de la malade. Au bout de quelques instants, Daniella vint rouvrir la porte. Lady Harriet, à peine couchée, s’était endormie subitement.

Le mari et le médecin purent alors entrer pour observer les symptômes de la fièvre, qui se déclarait avec des caractères nouveaux.

Je restais seul au salon ; j’entendis remuer des assiettes dans la salle à manger. On mettait le couvert. Le flegme de ces domestiques anglais, qui vaquaient à leurs fonctions avec la régularité méthodique de l’habitude, faisait un douloureux contraste aux agitations poignantes qui absorbaient leur maître, de l’autre côté de la cloison.

Au bout d’un quart d’heure, un de ces valets vint annoncer que le dîner était servi, et Fanny, la femme de chambre en disgrâce, traversa le salon pour transmettre cet avis à lord B***.

— Je ne dînerai pas, dit-il en venant sur la porte de la chambre de sa femme. Mon cher Valreg, allez dîner, je vous prie, avec ma nièce et M. Brumières, qui veut bien rester près de nous dans ces tristes circonstances.

— J’ai mangé il y a deux heures, répondis-je ; si vous le