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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/209

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mariée et qu’elle demeure pour quelques jours à Piccolomini… Diable ! n’allez pas dire cela à Daniella. Elle le répéterait peut-être à Medora, à présent qu’elles sont au mieux ensemble ! je serais perdu. D’autant plus que je tiens si peu à la fermière ! Elle est gentille et proprette, voilà tout. Et puis, j’ai remarqué une chose, c’est que, pour être un peu malin et un peu fort auprès d’une grande coquette, il ne fallait pas perdre un certain calme des sens qui réagit sur l’esprit. C’est en cela qu’une maîtresse sans conséquence, de l’autre côté de la cloison, est fort utile et très-appréciable ; mais je vois que je vous scandalise et que j’empêche votre femme de revenir auprès de vous. Moi, il faut que j’aille voir si on s’est aperçu de mon absence et de ma bouderie.

Je retrouvai Daniella préoccupée et presque triste.

— Tu m’en veux de ma jalousie ? lui dis-je en me mettant à ses genoux.

— Je n’ai pas le droit de t’en vouloir, répondit-elle. Je t’ai donné ce mauvais exemple et j’ai été bien plus mauvaise que toi !

— Oui, car tu doutais de moi, et moi, je te jure que je ne t’ai pas seulement supposé l’idée de vouloir plaire à Brumières.

— Bien vrai ?

— Aussi vrai que je t’aime.

— En ce cas, je te pardonne.

— Et pourtant, tu restes triste !

— Non, mais je réfléchis, et c’est d’autre chose que je me tourmente. M. Brumières croit que je peux faire fortune avec mes dispositions pour la musique ou la danse. Il a parlé de public et de théâtre… Tu ne m’avais jamais rien dit de pareil, toi ! Est-ce que tu serais jaloux, si, au lieu d’un seul bavard comme lui, j’avais plein une salle d’admirateurs et plein ma chambre de flatteurs ?