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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/217

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— Milord se moque de moi, me dit lady B*** avec un peu de dépit ; c’est son habitude !

— Moi, je me moque ? répondit-il en reprenant son sérieux à ressort. Vraiment non ! Je suis content de vous voir songer à la toilette. C’est signe que vous êtes guérie. Elle est donc bien jolie, cette robe ? Est-ce qu’on peut la voir ?

— Non ! vous ne la trouverez pas jolie ; vous ne vous y connaissez pas !

— Mais Valreg s’y connaît, un peintre !

— Je demande à voir la robe, m’écriai-je, pour prolonger le moment de gaieté des deux époux.

Fanny apporta la robe, que je ne trouvai pas jolie du tout par elle-même, mais dont je pus louer les enjolivements compliqués. Les Anglaises n’ont, je crois, pas de goût. Lady Harriet avait choisi, à Paris, une étoffe d’un ton cru que la couturière avait corrigé par les garnitures. Lord B*** trouva la robe laide, et reprocha à sa femme de ne plus porter de rose. Elle prétendit (avec raison) n’être plus assez jeune. Sur quoi le vieux mari prétendit qu’elle était toujours aussi belle qu’à vingt ans, et cela avec une conviction brusque et obstinée qui valait le mieux tourné des compliments. La bonne Harriet minauda un peu, et finit par avoir l’air de convenir que son mari ne se trompait pas. Mais elle le pria de se taire, trouvant cette galanterie déplacée devant moi, et, comme il revenait en critiquant le bleu dur de la robe, elle lui imposa silence assez sèchement.

Lord B*** se leva et marcha mélancoliquement dans la chambre. J’avais pris un journal pour avoir l’air de ne pas entendre ce débat puéril. Tout à coup lady Harriet me retira doucement le journal et me parla bas : — Il a passé toutes les nuits depuis que je suis malade, me dit-elle, il n’a pas