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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/245

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ma propre expérience. Certes Medora ne m’a voulu pour mari qu’à cause de mon indifférence. Mais, trop naïf pour donner des conseils de perversité à un ami, j’essayai, au contraire, de lui prouver que, dans de pareilles conditions de hasard et de caprice, son union avec Medora le rendrait infailliblement très-malheureux et quelque peu avili ; mais cela fut impossible à lui faire entendre. Il ne voit dans tout cela qu’une conquête difficile et rare, une lutte d’orgueil et de finesse, une affaire qui fera honneur à son habileté et à sa persévérance.

— Vous verrez, dit-il en parlant de lui-même, que le gaillard n’est pas maladroit, et que la grande aventure de sa vie, le roman rêvé, la fortune immense et la femme incomparable seront le prix de sa confiance en sa destinée et en lui-même : Aide-toi, le ciel t’aidera.

— Bien, bien ; j’admets que vous réussirez, que vous aurez cette merveilleuse beauté et cette merveilleuse dot. Après ? si l’on vous hait, si l’on vous trompe ?

— Ah ! voilà ce que je ne crains guère ! d’abord, parce qu’elle est froide et fière ; ensuite, parce que je ne suis pas un sot et que je me ferai aimer d’elle. »

— Laisse-le donc faire, me dit Daniella quand nous fûmes seuls : il ne l’aime pas, il ne veut qu’être riche. D’ailleurs, elle se moque de lui comme des autres. Est-ce qu’il est fait pour flatter une vanité comme la sienne ? Il n’a pas de titre, il monte mal à cheval, il n’a pas de réputation, enfin il n’a rien qui puisse tourner la tête à une Medora.

— C’est vrai ; mais c’est déjà une vieille fille dont les sens se décident peut-être à parler. Il est très-beau garçon. Elle cherche un esclave, et il saura jouer ce rôle tout le temps qu’il faudra. Il a de l’esprit, un peu de talent, beaucoup d’aplomb…

— Eh bien, qu’elle l’épouse ! que t’importe ?