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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/248

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chaîne ; mais nous élèverons nos enfants tout autrement : nous leur dirons…

— Nous leur dirons, malgré nous, la vérité. On ne peut pas se résoudre à tromper ses enfants, même pour leur bien. Et, quand ils auront ces distractions et ces langueurs de l’enfance qu’il faut combattre doucement, mais sans se lasser, nous céderons, nous aurons peur de les contrarier, de les fatiguer, nous en ferons des indolents et des oisifs. Alors ils auront d’autres goûts que ceux de la frugalité et d’autres besoins que ceux de l’âme. Ils se trouveront pauvres, car cent mille francs, sache donc que c’est une goutte d’eau dans la mer pour ceux qui ne les ont pas acquis par leur travail, et qui n’ont rien à faire que de les dépenser.

Daniella s’assit dans un coin et pleura.

— Pourquoi pleures-tu ? lui dis-je en l’embrassant.

— Parce que tu as raison, répondit-elle. Tu m’as fait songer à la nécessité de contrarier notre bien-aimé, notre enfant, notre-trésor, notre tout ! et voilà que nous commençons avant qu’il soit né ! Mais c’est égal : il le faut ! Tu m’apprendras à l’aimer sagement, à regarder ta fierté, ton honneur et ton courage comme le plus bel héritage à lui laisser. Allons, n’y pensons plus. Voilà deux fois que je suis riche, et deux fois que tu me fais comprendre que toute ma fortune est dans notre amour.




LIII


Mondragone, 7 juin.

Nous avons été hier à Rome, et nous voilà mariés indissolublement. Par surcroît de bonheur, j’ai une commande.