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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/257

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heureuses et si tristes. Il n’y a là de frayé qu’un sentier effroyable où je ne voulus pas laisser Daniella se hasarder. Je m’assurai que, d’en haut comme d’en bas, ma belle cascade fantastique et ma tour sont à peu près impossibles à voir sans se casser le cou. Les formes étranges de ces plateaux, rehaussés de cônes aigus ou tronqués, et les formidables brisures de leurs flancs escarpés attestent les convulsions violentes des âges volcaniques. Sur un de ces plateaux, où un vent frais soufflait avec impétuosité dans sa chevelure, Daniella ramassa pour vous des gentianes d’un bleu veiné de rose et de petites jacinthes sauvages qui sont des plantes adorables de forme et de couleurs, mais dont malheureusement vous n’aurez que les squelettes.

Daniella était triste en cueillant ces fleurs et en regardant l’âpre paysage qui nous environnait : des plaines incultes, des taillis impraticables, des ruisseaux sans cours, formant marécage jusque sur les cimes battues du vent ; tout cela s’étendant, d’un côté jusqu’à Monte-Cavo (mons Albanus), de l’autre jusqu’au revers de l’arx de Tusculum, qui vu de la hauteur, se trouvait beaucoup plus près que, de mon refuge dans le précipice, je ne l’avais imaginé.

— Allons-nous-en, me dit Daniella ; mon corps et mon âme se refroidissent ici. Le bruit de cette cascade me fait mal. Tu n’as pas voulu me laisser apercevoir la tour maudite, et tu as bien fait : je sens que je ne la reverrai jamais sans remords.

— Et moi j’aime quand même cette cascade qui chantait pendant ton sommeil, et cette ruine où, après tant d’heures d’inquiétude et de chagrin mortel, je t’ai enfin pressée dans mes bras et endormie sur mon cœur.

— Tu ne te souviens donc plus que j’ai été injuste, vio-