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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/270

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attendaient Felipone toujours gai, et Brumières sain et sauf. Ils étaient les meilleurs amis du monde. Malgré ma joie de revoir l’amant de Vincenza hors de danger, je ne pus me défendre d’un mouvement de mépris pour le mari.

— Ce lièvre est jeune et encore chaud, nous dit ce dernier. Il sera tendre et vous allez le manger à votre dîner. Je m’invite et me charge de le faire cuire. Êtes-vous des nôtres, monsieur Brumières.

— Ce serait avec plaisir, répondit-il, mais c’est impossible. Il faut que je coure payer et chercher la fibbia, et que je retourne à Piccolomini à jeun. Plaignez-moi et buvez à ma santé.

Je lui remis la petite somme ; Il partit en courant, et Felipone se mit à débiter des facéties et du latin de moine, du latin de cuisine, comme on dit chez nous, en arrosant le lièvre au feu de la nôtre.

Nous ne le quittions pas, et Daniella, toujours inquiète de ses desseins, feignait de s’intéresser beaucoup aux talents culinaires de son parrain afin de l’empêcher de s’esquiver pour suivre ou attendre Brumières au coin du bois.

Tout à coup il essuya sa figure ruisselante de sueur, en nous disant :

— Mes bons enfants, j’ai à vous annoncer une nouvelle qui vous surprendra bien. Déjà j’ai dit la chose à Daniella sans vouloir nommer la personne ! Elle a eu l’air de ne pas me croire ; mais vous allez voir ! Un ami que l’on croyait perdu est retrouvé, et, si vous le voulez bien, je vas le chercher pour le faire souper avec nous !…

— Qui ? demandai-je.

— N’importe, dis que non ! murmura Daniella, à mon oreille. Il veut nous quitter ; c’est un prétexte.

— J’y vais avec vous, répondis-je en m’adressant au fermier. J’en aurai plus tôt la surprise.