Page:Sand - La Daniella 2.djvu/74

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par le succès d’une pièce montée, au sommet de laquelle se balançait un perroquet en sucre.

Le fermier Felipone arriva pour en prendre sa part. C’est lui qu’attendait le quatrième couvert. Il refusa de faire revenir les plats : il avait dîné. Sa femme était auprès de la signora, qui faisait ses apprêts pour partir et qui viendrait, au dernier moment, prendre seulement une tasse de thé. J’appris ainsi que la dame enlevée, ou sur le point de l’être, était domiciliée secrètement dans une des petites villas situées au bas de l’allée de cyprès, de l’autre côté du chemin qui mène à Frascati, ce qui avait permis au prince de la voir tous les jours chez Felipone ; mais, depuis le blocus, leurs entrevues avaient été plus rares et plus difficiles, Felipone étant, non pas soupçonné, mais surveillé.

Felipone marquant quelque étonnement de me voir, on lui expliqua ma présence, et on me présenta à lui comme un ami de plus à faire évader.

— Ah oui-da ! dit-il en me regardant avec bienveillance : c’est notre jeune peintre, l’habitant du casino, le bien-aimé de…

Je mis ma main sur la sienne, il sourit et se tut.

Un instant après, comme le prince et le docteur causaient ensemble, je pus dire à l’oreille du fermier :

— Comment va-t-elle ? pouvez-vous me le dire ?

— Bien, bien, jusqu’à présent, répondit-il ; mais elle ira mal demain, quand elle vous saura parti.

— Croyez-vous que je puisse la voir ce soir ?

— Non ! Impossible de circuler dans les jardins ; les carabiniers sont partout.

— Mais vous, êtes-vous bloqué aussi ?

— Non ; je pourrai aller demain à la villa Taverna. Que lui dirai-je de votre part ?