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Page:Sand - La Daniella 2.djvu/77

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ici : il gardera les meubles, et je m’arrangerai, d’ailleurs pour qu’on le croie parti avec vous. Si on fait alors une visite de police dans le château, tant mieux ; je réponds de lui, s’il quitte le casino pour le terrazzone.

— Je m’abandonne à vous, répondis-je ; je ferai ce que vous voudrez, pourvu que je reste.




XXXVIII


Le café fut exquis et les cigares de contrebande de premier choix. Tout en fumant, nous échangeâmes quelques mots sur la politique, chapitre qu’il est impossible de ne pas aborder, dès qu’un lien de sympathie met quelques hommes en rapport les uns avec les autres. J’évitai pourtant d’avoir une opinion qui pût blesser celle de mes hôtes. J’étais plus curieux de savoir la pensée de ces Italiens bannis et persécutés que désireux de faire prévaloir la mienne.

Je remarquai, au bout d’un instant, que le prince et le docteur n’étaient nullement d’accord sur les moyens de sauver l’Italie. Plus logique et plus courageux d’esprit que son ami, le docteur voulait renverser les vieux pouvoirs. Le prince, aussi hardi de caractère que timide de principes, ne s’en prenait qu’aux abus, et rêvait un retour à l’Italie de Léon X et des Médicis, sans vouloir avouer que ces abus avaient pris d’autant plus d’essor et de licence que Rome et Florence avaient eu plus d’éclat, d’artistes, de luxe et d’aristocratie. Quant à son gouvernement napolitain, il en parlait avec horreur et mépris, mais sans pouvoir admettre l’idée de remplacer l’autorité absolue par une constitution démocratique. Il avait vu la populace de son pays se faire l’exécuteur des hautes œuvres de la tyrannie, et il ne pouvait sacrifier