Page:Sand - La Daniella 2.djvu/92

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— Très-bien, et je connais sa voix. C’est un pieux berger qui chante sa prière, comme les coqs, à minuit. Mais écoutez-moi. J’espérais que le brouillard monterait, et nous permettrait de prendre le galop sur la grande route ; mais il ne fait que ramper à un pied de terre, et il nous nuit plus qu’il ne nous rend service. Je vous engage donc à ne point passer par Marino, mais à descendre par la traverse à Grotta-Ferrata. De là, nous gagnerons Albano par la rive du lac qui sera à notre gauche. Le chemin sera plus long, quoique plus direct. Il est moins uni, et vous irez moins vite ; mais nous serons presque toujours à couvert, et le pays est si sauvage, que, si nous y faisons quelque rencontre, ce sera avec les voleurs, gens bien préférables, pour nous, aux carabiniers.

— Accordé, dit le prince ; marchons !

Nous descendîmes Tusculum à vol d’oiseau, à travers un vaste champ en jachère qui s’est couvert de réséda, et dont le parfum violent commençait à donner des étourdissements au prince lorsque nous en sortîmes, en passant dans un ruisseau qui nous remit sur le chemin frayé.

Ces petits chemins encaissés, bordés de haies en pleine liberté de croissance, rappellent assez, au clair de lune, les traînes de mon pays. Au jour, cette pensée ne m’était pas venue, à cause de la différence des plantes fleuries qui en tapissent les talus ; mais, la nuit, les mouvements de ces petits sentiers ondulés, souvent traversés d’eaux courantes à fleur de terre, et ombragés de folles branches qui vous fouettent la figure, me rappelèrent ceux où, dans mon enfance, je faisais délicieusement et littéralement l’école buissonnière.

Nous marchions un à un, trottant, galopant ou reprenant le pas, selon les facilités ou les difficultés du terrain. Après Grotta-Ferrata, nous nous engageâmes dans une voie de