Page:Sand - La Filleule.djvu/144

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qui avez recueilli et adopté cette enfant, que je livre un secret d’où dépend le repos et l’honneur de mon ménage. Vous avez l’intention de garder ce secret, n’est-il pas vrai ?

— J’en ai la ferme volonté, lui répondis-je, et s’il en est besoin, je vous en donne ma parole d’honneur.

— Il suffit, je suis tranquille, dit le duc. Gardez ce bracelet pour Morenita ; mais effacez-en les armes, je vous le demande.

— Vous pouvez y compter ; mais nous, monsieur, nous les parents adoptifs de cette enfant, nous qui allons lui donner une âme, une conscience, des talents, des vertus, s’il est possible… et, qui sait, peut-être un nom, une fortune, pouvons-nous compter que si, par suite de je ne sais quelle catastrophe imprévue, nous venions à disparaître sans l’avoir établie, vous lui accorderiez une protection efficace et vraiment paternelle ?

— Ostensiblement, jamais ; indirectement, toujours, et, dès à présent, je demande à lui constituer une rente.

— Cela ne me regarde pas, monsieur ; j’en parlerai à sa mère. C’est ainsi que s’intitule celle qui s’en est chargée, et je viendrai, si vous le permettez, vous faire part de ses intentions, en vous la nommant si elle y consent.

— Pas chez moi, dit le duc, qui paraissait inquiet à mesure que nous approchions de la porte Maillot, où l’attendait sa femme. Écrivez-moi à l’adresse que voici, et j’irai vous trouver chez vous. Il me donna en même temps l’adresse de son banquier.

— Je vois, monsieur le duc, lui dis-je, que ma présence auprès de vous peut surprendre, et que je dépasse le but de ma course. Veuillez me faire descendre ici.

Nous nous séparâmes après nous être serré la main avec cordialité, presque avec affection.