Page:Sand - La Filleule.djvu/161

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qu’il me plaira. Peut-être ne s’ennuie-t-on jamais de ce qu’on est toujours libre de planter là.

À mon réveil, j’ai trouvé sur le pied de mon lit trois gros bouquets. Tous les ans, on invente une manière différente de me souhaiter ma fête. Cette fois-ci, j’avais à deviner. J’ai tout de suite compris que les roses mousseuses blanches venaient de maman, les pensées de grand’mère, et que l’héliotrope avait été cueilli de la part de mon parrain. Comme ils sont malins tous trois ! Ce sont les fleurs que chacun examine ou respire avec prédilection.

Puis, sur la table de ma chambre, il y avait une jolie robe toute brodée par maman, un beau coffre à ouvrage choisi par bonne maman, un portrait de toutes deux crayonné par mon parrain. Comme il dessine et comme il voit bien, lui ! Elles ressemblent que c’est incroyable ! Oui, c’est bien là la grand’mère avec ses yeux pénétrants et son petit air doux qui est quelque fois si sévère. C’est bien mamita[1], avec ses beaux cheveux à minces filets argentés, ses traits admirables, son sourire si tendre, sa jolie taille souple… Comme elle est encore belle et jolie, mamita ! et comme mon parrain l’admire et la comprend, puisqu’il l’a reproduite ainsi de mémoire !

Avec son cadeau, il y avait une lettre d’envoi que j’attache ici avec une épingle. Il me semble que mon journal sera complet, si j’y ajoute les lettres qui m’intéressent.


« Manille, le 8 mai 1846.

» Ma bien-aimée filleule, cette lettre arrivera, j’espère, à temps pour que mamita te la remette le jour de ton anniversaire, avec la copie d’un dessin que j’ai fait à bord du navire qui m’a amené ici, et qui, s’il ressemble, comme je me l’ima-

  1. En espagnol, petite maman.