Page:Sand - La Filleule.djvu/166

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parce que nous ne pouvions pas trouver tout de suite un cheval qui fût, en même temps, parfaitement sûr et d’une allure assez douce pour une petite personne comme vous. Alors ce bon génie a été dans les écuries de la reine des fées, et il a trouvé ce cheval, qui s’appelle Canope, et auquel il nous écrit que nous pouvons vous confier sans aucune crainte, car il est aussi bon qu’il est joli.

J’ai demandé en grâce qu’on me laissât monter dessus. On y a consenti, en recommandant bien à André de le conduire au pas par la bride, le long de l’allée. Mes mamans me suivaient. J’ai eu d’abord peur de me voir perchée si haut sur quelque chose qui remue. Ce cheval, qui est tout petit, comme celle qui doit le monter, me paraissait grand comme un dromadaire. J’ai crié quand j’ai senti qu’il marchait. Mamita s’est moquée de moi.

— Voyez, a-t-elle dit, quelle belle écuyère nous avons là ! Elle grillait de monter des girafes, et elle a peur de se voir sur un chevreuil !

Cela m’a piquée d’honneur ; je me suis rassurée tout d’un coup, j’ai dit à André de le faire marcher un peu plus vite, et nous avons été au tournant de l’allée avant nos marcheuses. Alors, me trouvant hors de leur vue, j’ai dit à André de lâcher la bride ; il me l’a mise dans la main sans méfiance, m’a appris la manière de la tenir, et s’est remis à marcher à la tête du cheval, s’attendant à m’entendre lui crier de m’arrêter. Mais, moi, j’avais mon idée. Aussitôt que je me suis sentie en liberté, j’ai secoué la bride et frappé du talon au hasard.

Aussitôt Canope est parti au galop, et me voilà lancée. André s’est mis à courir. Maman, qui arrivait, s’est mise à crier. Moi, qui me trouvais fort à l’aise et qui n’avais plus peur, j’ai redoublé, me divertissant à faire tirer la langue au vieux André, et en un clin d’œil j’étais au bout de la grande allée de marronniers. Là, j’ai eu peur, parce qu’il y avait un tournant,