Page:Sand - La Filleule.djvu/168

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Comme j’étais fière de savoir déjà mener mon cheval ! J’aurais voulu que mon père me vît ! et mon parrain surtout, qui disait autrefois que je ne serais jamais brave, parce que j’étais trop nerveuse.

Ce matin, mamita a monté à cheval avec moi et André. J’ai été un peu jalouse d’elle, parce que, vraiment, elle est plus tranquille que moi, tandis que j’ai encore des moments de peur affreuse, quand Canope prend ses airs mutins. Mais il n’en est pas plus méchant pour cela et je m’y habituerai. Je me garde bien de dire que j’ai peur. Peut-être qu’elle est comme moi, mamita, et qu’elle ne s’en vante pas ; mais non, c’est une nature si calme ! Elle n’avait jamais monté à cheval de sa vie, il y a deux ans. Les médecins le lui ordonnent, sa mère l’en prie, et voilà qu’elle a du courage, de l’aplomb et de la grâce tout de suite, par ordonnance. Je voudrais bien voir si j’ai une bonne tournure à cheval. J’ai peu d’avoir l’air d’un fagot. Il faut que je me perfectionne avant que mon parrain arrive. Je me souviens que j’étais furieuse quand il se moquait de moi.


22 août… midi.

J’ai bien mal pris ma leçon d’harmonie aujourd’hui, et le père Schwartz s’est impatienté. C’est un brave homme, mais il est trop vieux ; ce n’est pas ma faute s’il m’ennuie. J’aimais bien mieux les leçons de mon parrain ; je le craignais davantage, mais je comprenais mieux. Il est pédant, ce vieux Allemand : le voilà qui prend de l’humeur parce que je monte à cheval, et qui dit que cela me tournera la tête !

Il est certain que cela me grise un peu et que je saute des fossés toute la nuit, en rêve. Ah ! que j’ai envie de sauter un fossé comme André ! mais mamita ne veut pas, et, si elle le voulait, je ne sais pas si j’oserais. Mon Dieu, que c’est joli, que c’est beau, le mouvement, le grand air ! Aller loin, bien