Page:Sand - La Filleule.djvu/19

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J’ornai ma cellule à mon gré. Quelques fleurs sous le châssis de ma fenêtre inclinée au penchant du toit, mes reliques dans une boîte à ouvrage de ma mère, un vieux châle qu’elle m’avait donné autrefois pour en faire un tapis de table et que, de crainte de l’user, je relevais à la place où j’installais mon travail, son pauvre petit piano que mon père consentit à m’envoyer, un couvre-pieds qu’elle avait tricoté pour moi, voilà de quoi je me composai un luxe d’un prix et d’un charme inestimables.

Mes anciens amis de collége vinrent me voir. Ils me trouvèrent doux et obligeant, mais assez morne, cachotier, disaient-ils, parce que je ne leur confiais pas les aventures que je n’avais pas ; en somme, plus bizarre que divertissant. J’eus un peu de regret de leur avoir ouvert ma porte, et même une véritable terreur, un jour qu’ayant fait un effort pour leur sembler moins maussade et les mettre à l’aise, je les vis poser leurs cigares allumés sur le châle de ma mère et ouvrir son piano pour y jouer à tour de bras des contredanses. Je craignais de poser la religion filiale ; j’étais inquiet, agité ; je faillis un instant passer pour un avare, parce que je refusai de prêter un livre qui lui avait appartenu. Un seul d’entre eux me devina, c’était Edmond Roque, qui devint mon ami de cœur.

Dès que nos bruyants compagnons furent partis :

— Cette société ne te conviendra jamais, me dit-il. Tu n’es pas enfant, mon pauvre Stéphen, je ne sais même pas si tu es jeune. Peut-être le deviendras-tu en vieillissant. Quant à présent, il te faut la solitude avec un ami ou deux. Choisis-les bien, et apprends un secret pour préserver ton repos de l’oisiveté des autres, un secret dont je me trouve parfaitement bien.

Il fit le tour de ma chambre, trouva le long de la cloison qui donnait sur le palier, un pan de bois, et me dit :

— Demain, tu feras venir un ouvrier, si tu n’es pas assez adroit pour faire cette besogne toi-même. Un trou de la gros-