Page:Sand - La Filleule.djvu/196

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rendez-vous qu’elle demandait. Stéphen alla trouver le duc à la Bourse, où il jouait un peu de temps en temps, et où il flânait presque tous les jours. C’était un homme un peu désœuvré, d’une imagination vive que ne soutenait pas une éducation assez sérieuse, et qui, parfois, ne savait que faire de son intelligence active et de sa volonté ardente.

Il n’était guère plus âgé que Stéphen et pouvait passer pour un des hommes les plus beaux, les plus élégants et les plus aimables de l’aristocratie espagnole et parisienne.

Stéphen, qui avait toujours conservé un certain ascendant sur lui, exigea sa parole d’honneur qu’il ne parlerait jamais à sa femme de la lettre qu’il lui montrait, et lui promit, en retour, que madame de Saule, dans son entrevue avec la duchesse, ne parlerait et n’agirait que conformément aux intentions du père de Morena.

Le duc parut vivement touché de la lettre de sa femme.

— Fiez-vous à elle, s’écria-t-il ; elle est fière et vindicative ; mais quand elle a pardonné, elle est loyale et généreuse ! Je suis ravi de l’idée d’un rapprochement possible entre ma fille et moi ; et ma reconnaissance pour la duchesse est profonde. Je garderai pourtant le secret de votre délicate indiscrétion, je le dois ; mais j’attendrai avec impatience la surprise que ma femme me ménage, et je m’y laisserai prendre avec une joie extrême.

— À la bonne heure ! dit Stéphen. Mais vous parlez d’un rapprochement possible. Il faut que je sache comment vous l’entendez.

— Comment puis-je vous le dire ? reprit le duc. Ce sera comme ma femme l’entendra, car vous conviendrez qu’elle a chez elle des droits imprescriptibles.

— Attendez ! dit Stéphen. La duchesse peut vouloir vous réunir à votre fille en la prenant sur ce pied dans sa maison. Si telle est votre volonté, madame de Saule n’a rien à objec-