sant et en me méprisant, le jour où elle a su que je n’étais pas son frère. Je n’ai pas à m’expliquer sur autre chose. Je vous ai dit que vous ne sauriez rien de moi, que vous alliez la voir, qu’elle parlerait elle-même et dirait ce qu’elle voudrait. Qu’elle le fasse ! Quoi qu’elle dise, que ce soit vrai ou faux, je ne la contredirai pas. Elle est ma sœur devant le Dieu de mes pères, et vous avez eu beau faire, je suis resté gitano ; c’est-à-dire que votre vérité n’est pas la mienne, et que je ne vous dois pas le fond de ma pensée. Allons, señorita, parlez ! Et tenez, voulez-vous que je m’en aille ? Oui, ce sera mieux, vous serez plus libre de vos réponses. Je ne crains pas que les miennes vous contredisent, je n’en ferai aucune.
— Allons ! dit Roque, il a fait un progrès : il refuse la vérité ; autrefois il mentait en promettant de la dire.
Algénib s’apprêtait à sortir ; Morenita le retint.
— Restez, dit-elle, je veux parler devant vous. Mon parrain, ajouta-t-elle avec fermeté en pliant le genou devant Stéphen, pardonnez-moi, en attendant que mamita me pardonne. J’ai disposé de moi sans votre permission. J’aime ce jeune homme, non pas malgré sa tromperie, mais à cause de ce qu’il a imaginé et osé pour se faire aimer de moi. J’ai pris l’habitude de l’aimer en le croyant mon frère. Il ne m’a pas été possible de la perdre, malgré un moment de colère que j’ai eu contre lui. C’est lui qui m’a enlevée hier soir, c’est avec lui que je me sauvais en Angleterre, où nous devions nous marier. Voyez si vous croyez qu’il soit possible au duc de Florès de s’y opposer, et si mamita me conseillerait de manquer à ma parole.
En parlant ainsi à Stéphen sans hésitation et sans trouble, Morenita, triomphante d’elle-même et de la résistance d’Algénib, vit les yeux de ce beau jeune homme s’illuminer de tous les rayons de l’orgueil, de la joie et de l’amour. Il était pur, il était grand dans ce moment-là, pour la première fois de sa vie