Page:Sand - La Mare au Diable.djvu/116

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— Je ne danse plus depuis que j’ai perdu ma femme, répondit le laboureur.

— Eh bien, puisque vous en recherchez une autre, le deuil est fini dans le cœur comme sur l’habit.

— Ce n’est pas une raison, père Léonard ; d’ailleurs je me trouve trop vieux, je n’aime plus la danse.

— Écoutez, reprit Léonard en l’attirant dans un endroit isolé, vous avez pris du dépit en entrant chez moi, de voir la place déjà entourée d’assiégeants, et je vois que vous êtes très fier ; mais ceci n’est pas raisonnable, mon garçon. Ma fille est habituée à être courtisée, surtout depuis deux ans qu’elle a fini son deuil, et ce n’est pas à elle à aller au-devant de vous.

— Il y a déjà deux ans que votre fille est à marier, et elle n’a pas encore pris son parti ? dit Germain.

— Elle ne veut pas se presser et elle a raison. Quoiqu’elle ait la mine éveillée et qu’elle vous paraisse peut-être ne pas beaucoup réfléchir, c’est une femme d’un grand sens et qui sait fort bien ce qu’elle fait.

— Il ne me semble pas, dit Germain ingénument, car elle a trois galants à sa suite, et si elle savait ce qu’elle veut, il y en aurait au moins deux qu’elle trouverait de trop et qu’elle prierait de rester chez eux.

— Pourquoi donc ? vous n’y entendez rien, Germain. Elle ne veut ni du vieux, ni du borgne, ni du jeune, j’en suis quasi certain ; mais si elle les ren-