Page:Sand - La Mare au Diable.djvu/205

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pique des pommes rouges au bout des baguettes, des branches de thym, de sauge et de laurier tout autour : on chamarre le tout de rubans et de banderoles ; on recharge le trophée sur la civière avec le païen, qui doit le maintenir en équilibre et le préserver d’accident, et enfin on sort du jardin en bon ordre et au pas de marche.

Mais là quand il s’agit de franchir la porte, de même que lorsque ensuite il s’agit d’entrer dans la cour de la maison du marié, un obstacle imaginaire s’oppose au passage. Les porteurs du fardeau trébuchent, poussent de grandes exclamations, reculent, avancent encore et, comme repoussés par une force invisible, feignent de succomber sous le poids. Pendant cela, les assistants rient, excitent et calment l’attelage humain. « Bellement ! bellement, enfant ! La, la, courage ! Prenez garde ! patience ! Baissez-vous. La porte est trop basse ! Serrez-vous, elle est trop étroite ! un peu à gauche ; à droite à présent ! allons, du cœur, vous y êtes ! »

C’est ainsi que dans les années de récolte abondante, le char à bœufs, chargé outre mesure de fourrage ou de moissons, se trouve trop large ou trop haut pour entrer sous le porche de la grange. C’est ainsi qu’on crie après les robustes animaux pour les retenir ou les exciter ; c’est ainsi qu’avec de l’adresse et de vigoureux efforts on fait passer la montagne des richesses, sans l’écrouler, sous l’arc de triomphe rustique. C’est surtout le dernier charroi, appelé la ger-