Page:Sand - La Mare au Diable.djvu/46

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— Mère Guillette, dit le vieux laboureur, s’il ne fallait que cinquante francs pour vous consoler de vos peines et vous dispenser d’envoyer votre enfant au loin, vrai, je vous les ferais trouver, quoique cinquante francs pour des gens comme nous ça commence à peser. Mais en toutes choses il faut consulter la raison autant que l’amitié. Pour être sauvée de la misère de cet hiver, vous ne le serez pas de la misère à venir, et plus votre fille tardera à prendre un parti, plus elle et vous aurez de peine à vous quitter. La petite Marie se fait grande et forte, et elle n’a pas de quoi s’occuper chez vous. Elle pourrait y prendre l’habitude de la fainéantise…

— Oh ! pour cela, je ne le crains pas, dit la Guillette. Marie est courageuse autant que fille riche et à la tête d’un gros travail puisse l’être. Elle ne reste pas un instant les bras croisés et, quand nous n’avons pas d’ouvrage, elle nettoie et frotte nos pauvres meubles qu’elle rend clairs comme des miroirs. C’est une enfant qui vaut son pesant d’or et j’aurais bien mieux aimé qu’elle entrât chez vous comme bergère que d’aller si loin chez des gens que je ne connais pas. Vous l’auriez prise à la Saint-Jean, si nous avions su nous décider ; mais à présent vous avez loué tout votre monde, et ce n’est qu’à la Saint-Jean de l’autre année que nous pourrons y songer.

— Eh ! j’y consens de tout mon cœur, Guillette !