Page:Sand - La Mare au Diable.djvu/48

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de labourage sur la tête. Il était de force à labourer encore dix ans sans paraître vieux, et il eût fallu que le préjugé de l’âge fût bien fort sur l’esprit d’une jeune fille pour l’empêcher de voir que Germain avait le teint frais, l’œil vif et bleu comme le ciel de mai, la bouche rose, des dents superbes, le corps élégant et souple comme celui d’un jeune cheval qui n’a pas encore quitté le pré.

Mais la chasteté des mœurs est une tradition sacrée dans certaines campagnes éloignées du mouvement corrompu des grandes villes et, entre toutes les familles de Belair, la famille de Maurice était réputée honnête et servant la vérité. Germain s’en allait chercher femme ; Marie était une enfant trop jeune et trop pauvre pour qu’il y songeât dans cette vue et, à moins d’être un sans-cœur et un mauvais homme, il était impossible qu’il eût une coupable pensée auprès d’elle. Le père Maurice ne fut donc nullement inquiet de lui voir prendre en croupe cette jolie fille ; la Guillette eût cru lui faire injure si elle lui eût recommandé de la respecter comme sa sœur ; Marie monta sur la jument en pleurant, après avoir vingt fois embrassé sa mère et ses jeunes amies. Germain, qui était triste pour son compte, compatissait d’autant plus à son chagrin, et s’en alla d’un air sérieux tandis que les gens du voisinage disaient adieu de la main à la pauvre Marie sans songer à mal.