Page:Sand - La Mare au Diable.djvu/58

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jour que j’aurai à passer dans un nouveau pays. Je me figurerai que je suis encore chez nous.

L’enfant, voyant que la petite Marie prenait son parti, s’était cramponné à sa jupe et la tenait si fort qu’il eût fallu lui faire du mal pour l’en arracher. Quand il reconnut que son père cédait, il prit la main de Marie dans ses deux petites mains brunies par le soleil, et l’embrassa en sautant de joie et en la tirant vers la jument avec cette impatience ardente que les enfants portent dans leurs désirs.

— Allons, allons, dit la jeune fille en le soulevant dans ses bras, tâchons d’apaiser ce pauvre cœur qui saute comme un petit oiseau, et si tu sens le froid quand la nuit viendra, dis-le-moi, mon Pierre, je te serrerai dans ma cape. Embrasse ton petit père, et demande-lui pardon d’avoir fait le méchant. Dis que ça ne t’arrivera plus, jamais ! jamais, entends-tu ?

— Oui, oui, à condition que je ferai toujours sa volonté, n’est-ce pas ? dit Germain en essuyant les yeux du petit avec son mouchoir : ah ! Marie, vous me le gâtez, ce drôle-là !… Et vraiment, tu es une trop bonne fille, petite Marie. Je ne sais pas pourquoi tu n’es pas entrée bergère chez nous à la Saint-Jean dernière. Tu aurais pris soin de mes enfants, et j’aurais mieux aimé te payer un bon prix pour les servir, que d’aller chercher une femme qui croira peut-être me faire beaucoup de grâce en ne les détestant pas.