Page:Sand - La Mare au Diable.djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de lune rend plus vagues et plus trompeurs encore. Les grandes flaques d’eau dont les clairières sont semées exhalaient des vapeurs si épaisses que, lorsque la Grise les traversait, on ne s’en apercevait qu’au clapotement de ses pieds et à la peine qu’elle avait à les tirer de la vase.

Quand on eut enfin trouvé une belle allée bien droite, et qu’arrivé au bout, Germain chercha à voir où il était, il s’aperçut bien qu’il s’était perdu ; car le père Maurice, en lui expliquant son chemin, lui avait dit qu’à la sortie des bois, il aurait à descendre un bout de côte très raide, à traverser une immense prairie et à passer deux fois la rivière à gué. Il lui avait même recommandé d’entrer dans cette rivière avec précaution, parce qu’au commencement de la saison il y avait eu de grandes pluies et que l’eau pouvait être un peu haute. Ne voyant ni descente, ni prairie, ni rivière, mais la lande unie et blanche comme une nappe de neige, Germain s’arrêta, chercha une maison, attendit un passant et ne trouva rien qui pût le renseigner. Alors il revint sur ses pas et rentra dans les bois. Mais le brouillard s’épaissit encore plus, la lune fut tout à fait voilée, les chemins étaient affreux, les fondrières profondes. Par deux fois, la Grise faillit s’abattre ; chargée comme elle l’était, elle perdait courage, et, si elle conservait assez de discernement pour ne pas se heurter contre les