Page:Sand - La Mare au Diable.djvu/92

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Par exemple, l’autre jour, j’avais ramassé une tomate dans le jardin à M. le curé ; je lui ai dit que c’était une belle pomme rouge et il a mordu dedans comme un goulu. Si vous aviez vu quelle grimace ! Mon Dieu, qu’il était vilain !

— Tu ne l’aimes donc pas puisque tu te moques de lui ?

— Ce ne serait pas une raison. Mais je ne l’aime pas : il est brutal avec sa petite sœur et il est malpropre.

— Eh bien ! tu ne te sens pas portée pour quelque autre ?

— Qu’est-ce que ça vous fait, Germain ?

— Ça ne me fait rien, c’est pour parler. Je vois, petite fille, que tu as déjà un galant dans la tête.

— Non, Germain, vous vous trompez, je n’en ai pas encore ; ça pourra venir plus tard : mais puisque je ne me marierai que quand j’aurai un peu amassé, je suis destinée à me marier tard et avec un vieux.

— Eh bien, prends-en un vieux tout de suite.

— Non pas ! quand je ne serai plus jeune, ça me sera égal ; à présent, ce serait différent.

— Je vois bien, Marie, que je te déplais : c’est assez clair, dit Germain avec dépit, et sans peser ses paroles.

La petite Marie ne répondit pas. Germain se pencha vers elle : elle dormait ; elle était tombée vaincue et comme foudroyée par le sommeil, comme font les