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la petite fadette

— C’est la volonté de Dieu et notre devoir à tous de laisser partir Sylvain. Crois que je sais bien ce que je te dis, et ne m’en demande pas davantage.

Landry fit la conduite à son frère le plus loin qu’il put, et quand il lui rendit son paquet, qu’il avait voulu tenir jusque-là sur son épaule, il lui sembla qu’il lui donnait son propre cœur à emporter. Il revint trouver sa chère femme, qui eut à le soigner ; car pendant un grand mois le chagrin le rendit véritablement malade.

Quant à Sylvain, il ne le fut point, et continua sa route jusqu’à la frontière ; car c’était le temps des grandes belles guerres de l’empereur Napoléon. Et, quoiqu’il n’eût jamais eu le moindre goût pour l’état militaire, il commanda si bien à son vouloir, qu’il fut bientôt remarqué comme bon soldat, brave à la bataille comme un homme qui ne cherche que l’occasion de se faire tuer, et pourtant doux et soumis à la discipline comme un enfant, en même temps qu’il était dur à son propre corps comme les plus anciens. Comme il avait reçu assez d’éducation pour avoir de l’avancement, il en eut bientôt, et, en dix années de