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la ville noire.

larmes, et tout le monde attendri vint lui donner des poignées de main. Les garçons lui offrirent le vin de la bienvenue. On chanta beaucoup, on s’exalta un peu, et on ne travailla guère ce jour-là ; mais le lendemain Audebert, jaloux de prouver qu’un poète n’est pas nécessairement un paresseux, se mit à l’ouvrage avec ardeur, et en sortit le soir plein d’idées poétiques qu’il lui tardait d’écrire.

Toutefois le bon vieillard n’accepta point sa gloire sans quelques soupirs de regret. C’était pour lui comme un pis-aller, comme un petit sentier qui côtoyait la grande route rêvée. Il avait les préjugés de beaucoup de ceux de sa caste contre les beaux-esprits, et en revenait toujours à dire que ce n’était pas là le fait d’un homme sérieux et utile.

Gaucher, qui avait un grand bon sens dans sa simplicité, lui dit : — Consolez-vous, les vers qu’on chante me paraissent grandement utiles, à moi qui ne sais pas lire beaucoup dans les livres, et je ne suis pas le seul. C’est de la morale qui nous vient toute mâchée, et qui nous entre dans la tête sans que nous nous en apercevions. Ça dit beaucoup en