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la ville noire.

âge, son cœur et son intelligence. Ils le logèrent près d’eux, sachant bien qu’il n’amasserait plus rien, et qu’il fallait le pousser à gagner son pain quotidien les jours de bonne humeur, le distraire les jours de tristesse, et le contenir les jours d’exaltation trop vive. Tonine conserva sur lui un grand empire, et sut le raccommoder plus d’une fois avec ses patrons, avec ses amis et avec lui-même.

Sept-Épées travaillait, lui, comme un diable enragé, espérant mettre ses affaires sur un assez bon pied pour que Tonine n’eût bientôt plus de prétexte à ses refus. Il était devenu amoureux d’elle plus qu’il ne l’avait jamais été, et il faut dire aussi qu’elle se faisait chaque jour remarquer davantage par son grand esprit et sa belle conduite. Elle devenait tout à fait jolie et le paraissait plus que toutes les autres à cause de ce certain air que les autres n’avaient pas. Elles imitaient bien sa coiffure, son habillement et sa tenue, car elle était devenue grandement à la mode ; mais tout cela n’était pas la princesse Tonine, et si les garçons de mauvaise vie s’éloignaient d’elle comme d’une mijaurée, ceux qui avaient du goût