Page:Sand - La Ville noire.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
76
la ville noire.

première fois, dit-il, que nous aurons dormi, celui-ci et moi, sur la même paillasse. Nous avons été amis et compagnons de jeunesse. Je connais la dureté de son somme, et je te réponds qu’il ne s’apercevra pas de mon voisinage.

En effet, le père Laguerre, en s’éveillant avant le jour, selon sa coutume, fut fort étonné de trouver un camarade endormi à ses côtés. Il pensa que son filleul s’était attardé et enivré, et qu’en rentrant il s’était trompé de lit. Il commençait à pousser l’intrus en bas, en grondant, quand Audebert s’éveilla, et lui dit : — Eh bien ! qu’est-ce que c’est ? Ce n’est pas un chien qui a sauté sur ton lit, c’est un ancien ami qui t’aurait offert le sien, et son vin et sa table, et sa bourse, s’il eût fait sa fortune. Il a tout perdu, ce n’est pas une raison pour le mépriser ! donne-lui la main, et le temps de se lever pour partir.

— Je vois ce que c’est, répondit Laguerre en fronçant son sourcil hérissé ; vous voilà au bout de votre chapelet, vous n’avez plus ni sou ni maille, ni feu ni lieu, ni flatteurs ni amis, et vous venez réclamer l’hospitalité, à peu près comme ces oiseaux pares-