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se tenait sur ses gardes avec ce nouvel interlocuteur.

— J’ai cru que c’était une plaisanterie de carnaval arrangée entre vous deux. Puisqu’il n’en est rien, madame la comtesse, et que le hasard seul s’en est mêlé, parlons de vous, et abandonnons la princesse à son destin.

— Mais si quelqu’un est en danger, monsieur, il ne me semble pas que le rôle de ceux qui parlent de dévouement soit de rester les bras croisés.

— La personne qui vient de vous quitter veillera sur cette auguste tête folle. Sans doute, vous n’ignorez pas que la chose l’intéresse plus que nous, car cette personne vous fait la cour aussi.

— Vous vous trompez, monsieur, et je ne connais pas cette personne plus que vous. D’ailleurs, votre langage n’est ni celui d’un ami, ni celui d’un plaisant. Permettez donc que je retourne au bal.

— Permettez-moi de vous demander auparavant un portefeuille qu’on vous a chargée de me remettre.

— Nullement, je ne suis chargée de rien pour qui que ce soit.

— C’est bien ; vous devez parler ainsi. Mais avec moi, c’est inutile : je suis le comte de Saint-Germain.

— Je n’en sais rien.

— Quand même j’ôterais mon masque, comme vous n’avez vu mes traits que par une nuit obscure, vous ne me reconnaîtriez pas. Mais voici une lettre de créance. »

Le domino rouge présenta à Consuelo une feuille de musique accompagnée d’un signe qu’elle ne pouvait méconnaître. Elle remit le portefeuille, non sans trembler, et en ayant soin d’ajouter :

« Prenez acte de ce que je vous ai dit. Je ne suis chargée d’aucun message pour vous ; c’est moi, moi