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tenter les hommes par l’appât des richesses et des honneurs dont ils disposent, la faculté de connaître l’avenir, de faire de l’or, de guérir les malades, de rajeunir les vieillards, de ressusciter les morts, d’empêcher les vivants de mourir, car ce sont eux qui ont découvert la pierre philosophale et l’élixir de longue vie. D’autres pensent que ce sont des hommes religieux et bienfaisants qui ont mis en commun leurs fortunes pour assister les malheureux, et qui s’entendent pour redresser les torts et récompenser la vertu. Dans notre atelier, chacun faisait son commentaire : « C’est l’ancien ordre des Templiers, disait l’un. — On les appelle aujourd’hui francs-maçons, disait l’autre. — Non, disait un troisième, ce sont les Herrnhuters de Zinzendorf, autrement dit les frères Moraves, les anciens frères de l’Union, les anciens orphelins du mont Tabor ; enfin c’est la vieille Bohême qui est toujours debout et qui menace en secret toutes les puissances de l’Europe, parce qu’elle veut faire de l’univers une république. »

« D’autres encore prétendaient que c’était seulement une poignée de sorciers, élèves et disciples de Paracelse, de Bœhm, de Swedenborg, et maintenant de Schrœpfer le limonadier (voilà un beau rapprochement), qui, par des prestiges et des pratiques infernales, voulaient gouverner le monde et renverser les empires. La plupart s’accordaient à dire que c’était l’antique tribunal secret des francs-juges, qui ne s’était jamais dissous en Allemagne, et qui, après avoir agi dans l’ombre durant plusieurs siècles, commençait à relever la tête fièrement, et à faire sentir son bras de fer, son épée de feu, et ses balances de diamant.

« Quant à Franz, il hésitait à s’adresser à eux, parce que, disait-il, quand on avait accepté leurs bienfaits, on se trouvait lié à eux pour cette vie et pour l’autre, au