son imagination prêtait à cet étrange compagnon de voyage toutes les qualités romanesques que comportait la circonstance. Enfin la pensée lui vint que c’était un agent subalterne des Invisibles, peut-être un fidèle serviteur qui craignait de manquer aux devoirs de sa condition en se permettant de lui parler la nuit dans le tête-à-tête.
Au bout de deux heures de course rapide, on s’arrêta au milieu d’un bois sombre ; le relais qu’on y devait trouver n’était pas encore arrivé. L’inconnu s’éloigna un peu pour voir s’il approchait, ou pour dissimuler son impatience et son inquiétude. Consuelo mit pied à terre aussi, et se promena sur le sable d’un sentier voisin avec Karl, à qui elle avait mille questions à faire.
« Grâce à Dieu, signora, vous voilà vivante, lui dit ce fidèle écuyer.
— Et toi-même, cher Karl ?
— On ne peut mieux, puisque vous êtes sauvée.
— Et Gottlieb, comment se trouve-t-il ?
— Je présume qu’il se trouve bien dans son lit à Spandaw.
— Juste ciel ! Gottlieb est donc resté ? Il va donc payer pour nous ?
— Il ne paiera ni pour lui-même, ni pour personne. L’alarme donnée, je ne sais par qui, j’ai couru pour vous rejoindre à tout hasard, voyant bien que c’était le moment de risquer le tout pour le tout. J’ai rencontré l’adjudant Nanteuil, c’est-à-dire le recruteur Mayer, qui était fort pâle…
— Tu l’as rencontré, Karl ? Il était debout, il marchait ?
— Pourquoi non ?
— Il n’était donc pas blessé ?
— Ah ! si fait : il m’a dit qu’il s’était un peu blessé