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— Je ne crains rien, répondit Consuelo avec un mélange de tendresse et de fierté envers l’inconnu, puisque je suis sous la protection de monsieur. Mais, mon pauvre Karl, ajouta-t-elle, n’y a-t-il point de danger pour toi ? »

Karl haussa les épaules en baisant la main de Consuelo ; puis il courut procéder à l’arrangement du cheval ; et Consuelo partit aussitôt à travers champs avec son taciturne protecteur.


XXII.

Le temps s’obscurcissait de plus en plus ; le vent s’élevait toujours, et nos deux fugitifs marchaient péniblement depuis une demi-heure, tantôt sur des sentiers pierreux, tantôt dans les ronces et les longues herbes, lorsque la pluie se déclara soudainement avec une violence extraordinaire. Consuelo n’avait pas encore dit un mot à son compagnon ; mais le voyant s’inquiéter pour elle et chercher un abri, elle lui dit enfin :

« Ne craignez rien pour moi, monsieur ; je suis forte, et n’ai de chagrin que celui de vous voir exposé à tant de fatigues et de soucis pour une personne qui ne vous est rien et qui ne sait comment vous remercier. »

L’inconnu fit un mouvement de joie en apercevant une masure abandonnée, dans un coin de laquelle il réussit à mettre sa compagne à couvert des torrents de pluie. La toiture de cette ruine avait été enlevée, et l’espace abrité par un retour de la maçonnerie était si exigu, qu’à moins de se placer tout près de Consuelo, l’inconnu était forcé de recevoir la pluie. Il respecta pourtant sa situation, au point de s’éloigner d’elle pour lui ôter toute crainte. Mais Consuelo ne put souffrir longtemps d’accepter tant d’abnégation. Elle le rappela ; et, voyant qu’il persistait, elle