Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 1re série.djvu/343

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tique. Puis elle se dirigea vers une riche toilette de marbre blanc, qui soutenait une grande glace encadrée d’enroulements dorés d’un goût exquis. Mais son attention fut attirée par une inscription placée dans l’ornement qui couronnait ce miroir : « Si ton âme est aussi pure que mon cristal, tu t’y verras éternellement jeune et belle ; mais si le vice a flétri ton cœur, crains de trouver en moi un reflet sévère de ta laideur morale. »

« Je n’ai été ni belle ni coupable, pensa Consuelo : ainsi cette glace ment dans tous les cas. »

Elle s’y regarda sans crainte, et ne s’y trouva point laide. Cette belle robe flottante et ses longs cheveux noirs dénoués lui donnaient l’aspect d’une prêtresse de l’antiquité ; mais son extrême pâleur la frappa. Ses yeux étaient moins purs et moins brillants qu’à l’ordinaire. « Serais-je enlaidie, pensa-t-elle aussitôt, ou le miroir m’accuserait-il ? »

Elle ouvrit un tiroir de la toilette, et y trouva, avec les mille recherches d’un soin luxueux, divers objets accompagnés de devises et de sentences à la fois naïves et pédantes ; un pot de rouge avec ces mots gravés sur le couvercle : « Mode et mensonge ! Le fard ne rend point aux joues la fraîcheur de l’innocence, et n’efface pas les ravages du désordre » ; des parfums exquis, avec cette devise sur le flacon : « Une âme sans foi, une bouche indiscrète, sont comme des flacons ouverts, dont la précieuse essence s’est répandue ou corrompue ; » enfin des rubans blancs avec ces mots tissus en or dans la soie : « À un front pur les bandelettes sacrées ; à une tête chargée d’infamie le cordon, supplice des esclaves. »

Consuelo releva ses cheveux, et les rattacha complaisamment, à la manière antique, avec ces bandelettes. Puis elle examina curieusement le bizarre palais