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que plus fraîche et plus suave. Mais Consuelo, instinctivement effrayée du soin qu’on prenait de l’installer, peut-être pour longtemps, dans une nouvelle prison, eût donné tous les catalpas en fleurs et toutes les plates-bandes émaillées pour un coin de franche campagne, avec une maisonnette en chaume, des chemins raboteux et l’aspect libre d’un pays possible à connaître et à explorer. D’où elle était, elle n’avait pas de plans intermédiaires à découvrir entre les hautes murailles de verdure de son enclos et les vagues horizons dentelés, déjà perdus dans la brume du couchant. Les rossignols chantaient admirablement, mais pas un son de voix humaine n’annonçait le voisinage d’une habitation. Consuelo voyait bien que la sienne, située aux confins d’un grand parc et d’une forêt peut-être immense, n’était qu’une dépendance d’un plus vaste manoir. Ce qu’elle apercevait du parc ne servait qu’à lui faire désirer d’en voir davantage. Elle n’y distinguait d’autres promeneurs que des troupeaux de biches et de chevreuils paissant aux flancs des collines, avec autant de confiance que si l’approche d’un mortel eût été pour eux un événement inconnu. Enfin la brise du soir écarta un rideau de peupliers qui fermait un des côtés du jardin, et Consuelo aperçut, aux dernières lueurs du jour, les tourelles blanches et les toits aigus d’un château assez considérable, à demi caché derrière un mamelon boisé, à la distance d’un quart de lieue environ. Malgré tout son désir de ne plus penser au chevalier, Consuelo se persuada qu’il devait être là ; et ses yeux se fixèrent avidement sur ce château, peut-être imaginaire, dont l’approche lui semblait interdite, et que les voiles du crépuscule faisaient lentement disparaître dans l’éloignement.

Lorsque la nuit fut tout à fait tombée, Consuelo vit le reflet des lumières, à l’étage inférieur de son pavillon,