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le droit de rien cacher, lorsque la moindre de leurs paroles est un précepte, et la moindre de leurs actions un exemple.

— Mon cher ami, vous voulez me donner de l’orgueil. Qui n’en aurait d’être loué par Voltaire ? Cela n’empêche pas que vous ne vous soyez pas moqué de moi pendant un quart d’heure que j’ai été absent. Eh bien ! pendant ce quart d’heure, pourtant, vous ne pouvez supposer que j’aie eu le temps d’aller jusqu’auprès de l’Opéra, où demeure la Porporina, de lui réciter un long madrigal, et d’en revenir à pied, car j’étais à pied.

— Bah ! sire, l’Opéra est bien près d’ici, dit Voltaire, et il ne vous faut pas plus de temps que cela pour gagner une bataille.

— Vous vous trompez, il faut beaucoup plus de temps, répliqua le roi assez froidement ; demandez à Quintus Icilius. Quant au marquis, qui connaît si bien la vertu des femmes de théâtre, il vous dira qu’il faut plus d’un quart d’heure pour les conquérir.

— Eh ! eh ! sire, cela dépend.

— Oui, cela dépend : mais j’espère pour vous que mademoiselle Cochois vous a donné plus de peine. Tant il y a, messieurs, que je n’ai pas vu mademoiselle Porporina cette nuit, et que j’ai été seulement parler à sa servante, et m’informer de ses nouvelles.

— Vous, sire ? s’écria La Mettrie.

— J’ai voulu lui porter moi-même un flacon dont je me suis souvenu tout à coup d’avoir éprouvé de très-bons effets, quand j’étais sujet à des spasmes d’estomac qui me faisaient quelquefois perdre connaissance. Eh bien, vous ne dites mot ? Vous voilà tous ébahis ? Vous avez envie de donner des louanges à ma bonté paternelle et royale, et vous n’osez pas, parce qu’au fond du cœur, vous me trouvez parfaitement ridicule.