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ange tel que vous ? vous ignorez vos mérites, mademoiselle, et votre candeur me pénètre de surprise et d’admiration. Tenez, je suis sûre que vous ferez la conquête de la princesse : c’est une personne de premier mouvement. Il ne lui faudra que vous voir de près, pour raffoler de votre personne, comme elle raffole déjà de votre talent.

— On m’avait dit, au contraire, madame, que Son Altesse royale avait toujours été fort sévère pour moi ; que ma pauvre figure avait eu le malheur de lui déplaire, et qu’elle désapprouvait hautement ma méthode de chant.

— Qui a pu vous faire de pareils mensonges ?

— C’est le roi qui en a menti, en ce cas ! répondit la jeune fille avec un peu de malice.

— C’était un piège, une épreuve tentée sur votre modestie et votre douceur, reprit madame de Kleist ; mais comme je tiens à vous prouver que, simple mortelle, je n’ai pas le droit de mentir comme un grand roi très malin, je veux vous emmener à l’heure même dans ma voiture, et vous présenter avec vos partitions chez la princesse.

— Et vous pensez, madame, qu’elle me fera un bon accueil ?

— Voulez-vous vous fier à moi ?

— Et si cependant vous vous trompez, madame, sur qui retombera l’humiliation ?

— Sur moi seule ; je vous autoriserai à dire partout que je me vante de l’amitié de la princesse, et qu’elle n’a pour moi ni estime ni déférence.

— Je vous suis, madame, dit la Porporina, en sonnant pour prendre son manchon et son mantelet. Ma toilette est fort simple ; mais vous me prenez à l’improviste.

— Vous êtes charmante ainsi, et vous allez trouver